La Turquie a-t-elle besoin d'un régime présidentiel?
Un régime présidentiel pour une Turquie plus démocratique
Une nouvelle élection législative a eu lieu le 1er novembre 2015 en Turquie, et a de nouveau porté le Parti de Justice et de Développement (AKP) au pouvoir avec 49,7% des votes. Lors de l'élection du 7 Juin, l’AKP avait reçu 40.9 % des voix, et malgré ce résultat, il n’a pas réussi à construire un gouvernement. Les groupes parlementaires ont échoué à former une coalition dans les 45 jours suivants, selon le vote prévu par la Constitution de 1982. Donc conformément à la Constitution, le président de la République, Recep Tayyip Erdoğan, a annoncé le 21 août 2015 la dissolution de l'Assemblée et la tenue d'élections législatives anticipées le 1 novembre 2015. Celles-ci ont permis à l’AKP de mettre en place un gouvernement sans coalition. Mais puisque les résultats de novembre sont proches de ceux de juin, le système risque de se bloquer à nouveau, et d’engendrer une crise politique et économique. L’instauration d’un régime présidentiel en Turquie serait donc la meilleure solution pour résoudre ce dilemme.
Le régime présidentiel n’est pas une idée nouvelle
Depuis la création de la République le 29 Octobre 1923, les institutions turques relèvent du régime parlementaire. L’idée du d’un changement de régime a déjà été proposée par Turgut Özal (Président de la République entre 1989 et 1993, renversé et assassiné par l'opposition militaire). En 2012, premier ministre à l’époque, l'actuel président de la République Erdoğan a également lancé une proposition dans ce sens. Ce n’est donc pas la première fois que le phénomène des crises de gouvernance et que l’idée d’un changement de régime sont évoqués. La faiblesse du régime parlementaire était à l'origine de coups d’Etat militaires (en 1960, 1971 et 1980), et éloignait le pays de l’intégration européenne. Dans ces moments historiques, le parlementarisme n’a pas permis de maintenir un pouvoir fort.
Une initiative partagée par plusieurs partis
L’actuelle Constitution a été rédigée en 1982 après un coup d’Etat militaire, dans la volonté d’élaborer une Constitution civile et pluraliste. Pour accomplir la mission prévue il y a trente ans, la Commission constitutionnelle de réconciliation a été créée en 2011, avec un représentant de chaque parti parlementaire (AKP, CHP, MHP, BDP). Jusqu’à nos jours, cette Commission a réussi à se mettre d’accord sur une cinquantaine d’articles. Ce processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution se déroule d’une manière démocratique. D’autant plus que, la nouvelle loi fondamentale susceptible de faire acte du régime présidentiel sera soumise à l’approbation de tous les représentants du peuple, ainsi qu’un à un référendum.
Les limites du système parlementaire actuel
Avec l'instauration d'un régime présidentiel, les actuelles difficultés de formation de gouvernement disparaîtront, et le parlement sera plus diversifié que de nos jours. La Turquie a fêté sa quatre-vingt-douzième année en tant que République, durée pendant laquelle soixante-dix gouvernements se sont succédés, chaque ans et demi en moyenne. Le régime parlementaire s'avère instable, d’où les crises économiques récurrentes. Et aussi la discorde permanente entre les partis politiques. D’autre part, pour les élections législatives, l'influence du président du parti devrait diminuer, donc chaque homme politique débutant devra ainsi faire ses preuves envers ses électeurs. Pour améliorer les relations entre les électeurs et les novices, le mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour devra être remplacé par un système plus démocratique.
Une stricte séparation des pouvoirs
Le régime présidentiel prévoit une stricte séparation des pouvoirs exécutif et législatif, ainsi les deux pouvoirs seront-ils élus par le peuple au suffrage universel. Tant l’exécutif que le législatif disposent de moyens de pressions pour influencer l’autre pouvoir. Le Président disposera du droit de véto sur toute législation adoptée par le Parlement, mais sans avoir le pouvoir de nommer ni le Premier ministre (cette prérogative devrait revenir au Parlement), ni les membres de son gouvernement. Le président aura en outre la prééminence de la politique étrangère, mais la conduira en coordination avec le Premier ministre. En résumé, un Président jouissant de pouvoirs réels dans des domaines restreints, ne pourra être dans tous les cas un président omnipotent. Le budget sera géré par le Président, mais il devra être approuvé par le pouvoir législatif, qui aura le droit d'y apporter des modifications. Tout cela sera établi afin de garantir un équilibre entre les trois pouvoirs.
Ce système amène donc de la stabilité et de la clarté. Les décisions seront prises rapidement à partir d'une source unique : le gouvernement. Un fort pouvoir présidentiel éliminera tous les défis et les difficultés du système parlementaire en place, d’où un système de contre-pouvoir efficace, dit « check and balance » ; renforçant les différents pouvoirs pour permettre de gouverner en harmonie.
Pour sa prise de position expresse en faveur de l’instauration d’un régime présidentiel, Recep Tayyip Erdoğan a toujours été accusé de « néo- Ottomanisme » sur la scène nationale et internationale. Mais sa réponse a toujours été « Parle-t-on de sultanat aux Etats-Unis, terre des présidents forts ? ».
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Le risque imminent du glissement vers un régime présidentiel
Les élections législatives du 1er novembre ont donné à l'AKP et au président Tayyip Erdoğan un poids sans précédent au sein de la Grande Assemblée nationale, le Parlement turc. Ces élections pourraient ironiquement marquer le début de la fin pour cette institution clé de la vie politique turque. L'identité parlementaire turque est donc en danger. Et la démocratie l’est-elle aussi ?
Un point de rupture dans l'histoire politique turque ?
Le système politique turc partage le pouvoir exécutif entre le président de la République et le Premier Ministre, à la tête du Cabinet des ministres. Tandis que la première fonction s'avère surtout symbolique (nomination de ministre, de juge, ratification des traités), c'est bien la seconde qui exerce le plus de pouvoir (prise de décision, orientation de la politique nationale). C'est pourquoi le Premier ministre est actuellement bien l'homme fort de Turquie. D'autant plus qu'il gouverne en s'appuyant sur le soutient d'une majorité de députés de la Grande assemblée nationale, ceux-ci étant élus directement par le peuple. Or les acquis du régime parlementaire sont menacés par la victoire du parti d' Erdoğan : « Le système parlementaire est dans la salle d'attente. Nous devons transformer les élections [...] en une opportunité pour une nouvelle constitution et pour le régime présidentiel » déclarait-il en mars dernier, avant de perdre les premières élections de juin. Or cet enjeux a resurgit immédiatement après les élections de novembre. La présidentialisation est voulue par Erdoğan pour rapprocher le régime turc actuel au régime semi-présidentiel à la française, dans lequel le Président dispose de plus de pouvoir. Or les peurs se cristallisent autour de la personnalité du Président turc, et des dérives qu'un régime présidentiel engendrerait, contrairement à la stabilité qu'offre le régime parlementaire en place.
Le parlementarisme et l'identité institutionnelle turque
Depuis sa fondation en 1923, la République turque est de nature parlementaire. La Constitution de 1982 a maintenu cette orientation institutionnelle. Tout comme les autres pays adepte du parlementarisme (telle que la Grande Bretagne), la Turquie bénéficie de facto par ce biais d'un équilibre des pouvoirs. Dans la pratique, tous les pouvoirs collaborent à l'élaboration de la politique. Le Premier Ministre turc agit ainsi avec l'accord du Parlement, et contribue donc à la stabilité du dialogue inter-institutionnel. Mais cette séparation des pouvoirs, plus importante qu'en France par exemple, assure aussi l’existence de mécanismes de régulation, en cas de désaccord entre le Premier Ministre et la Grande Assemblée Nationale. Cette situation garantie la poursuite d'objectifs communs. Et elle a permis à la Turquie de connaître une stabilité politique interne, et surtout de prévenir la prise de pouvoir de l'exécutif. Ekmeleddin Ihsanoğlu, le candidat des principaux partis d’opposition, s'est déclaré pendant la campagne en faveur du maintien d'un régime d’essence parlementaire, dans lequel le président ne s'immiscerait pas dans la politique et resterait au-dessus des débats partisans. Comme beaucoup, il pointe le risque, dans le cas d’une sortie du parlementarisme, de faire basculer la Turquie vers un régime autoritaire.
Les risques de la présidentialisation
À l'inverse, la présidentialisation voulue par Erdogan aurait une influence néfaste sur l'avenir de la Turquie. D'ailleurs, c'est bien la personnalité même d'Erdogan qui menace le régime. Dans un contexte de violence, de tension et de peur, la priorité du Président est d’assurer son maintien au pouvoir en ré-écrivant la Constitution ; afin de donner non seulement à sa fonction la totalité du pouvoir exécutif, mais aussi tout simplement la possibilité de rester. Ayant assuré la fonction de Premier ministre trois fois dans le passé, être Président de la République, et un Président puissant, est la seule façon qu'il lui reste de diriger le pays. De tels motifs font évidemment craindre pour la direction de la Turquie, alors qu' Erdogan poursuit une dérive autoritaire assumée: entre contrôle et pression sur les médias, arrestation d'opposantes, muselement des ONG, contrôle des organes judiciaires et policiers, il n'est plus rare de lire que ce dernier se « poutinise ». Le surnom de « sultan » ne lui a pas été attribué au hasard. Et au profit de qui ? Pas de la population en tout cas, qui désormais redoute l'embrasement complet du conflit avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Mais pendant ce temps, Erdogan installe ainsi le comité qui lui permettra de rester accroché au pouvoir plus longtemps.
Quelle légitimité politique future pour la Turquie?
L'avenir de la Turquie a peut-être bien été joué le 1er novembre 2015. Mais la Turquie est actuellement au contact d'enjeux internationaux trop importants (crise des réfugiés, terrorisme, Etat Islamique) pour se laisser guider sur la mauvaise voie. Erdogan est cependant toujours face à une alternative : celle de choisir entre sa dérive autoritaire ou l'engagement avec les acteurs occidentaux et musulmans pour assurer la stabilité dans la région. Si la volonté turque est bien de devenir une puissance régionale, alors Erdogan ferait mieux d'engager avec l'Europe et ses pays voisins une discussion collective, plutôt que de maintenir une stratégie de la peur en interne. Il gagnerait d'ailleurs à bénéficier du soutien de toutes les institutions turques et à favoriser la démocratie pour arriver à ce but. Or un « super-président » autoritaire ne parviendra jamais à rassembler le consensus tellement précieux pour débattre de ces enjeux. Un régime parlementaire turc stable reste donc bien la meilleure option pour l'avenir du pays. N'en déplaise au sultan en place.
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Hozzászólások
Une, analyse comparant les…
Une, analyse comparant les contre pouvoirs des régimes présidentiels américain et français et celui proposé par erdogan aurait été bienvenue .
Là on ne sait pas donc on ne peut prendre position ceci dit c est déjà pas par rapport à les pseudo article partisan que l on peut lire
Ps De Gaulle à eu,les plein pouvoir prévu par le régime parlementaire en 1958 car le gouvernement socialiste de l époque ne pouvait trouver de solution au drame de la guerre d Algérie et il a œuvré pour construire un régime présidentiel qui seul selon lui pouvait éviter les régime des partis
C est pourquoi avec la crise que traverse la.turquie et le monde surtout l Europe et le moyen orient je peux comprendre erdogan
Mais une communication claire montrant texte ã l appui que la constitution qu,il propose n est pas moins démocratique que l américaine ou la francaise serait son meilleur atout
Cordialement
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