La Turquie doit-elle intervenir contre Daesh ?
Turquie : le cauchemar syrien
Cet article a été créé par notre partenaire, Andalous Moyen-Orient.
Un monstre jihadiste aux portes de l’OTAN
Des atrocités de l’intervention américaine en Iraq et de la répression orchestrée par l’Etat Syrien est né un monstre. Un prétendu « Etat Islamique », qui n’a d’islamique que le nom, s’est progressivement emparé de larges sections de territoire syrien et iraquien. L’EEIL contrôle à présent une grande partie de la zone frontalière turco-syrienne, et la chute de la ville kurde syrienne de Kobané pourrait signer la plus grande victoire du féroce califat.
Face à cette menace intolérable, la Turquie a fait preuve d’une passivité remarquable, les services secrets turcs allant jusqu’à coopérer activement avec certaines cellules jihadistes. Ankara se réfugie pour le moment derrière son isolement stratégique. Mais la seconde armée de l’OTAN, dont le leader, Erdogan jouit d’une popularité quasi-inégalée dans la région, aurait la légitimité militaire et politique pour intervenir.
Pourtant, le gouvernement turc a toujours considéré la lutte contre le régime Assad comme prioritaire sur celle contre Da’esh. Une position compréhensible, si l’on se livre à une comparaison du nombre de leurs victimes. Le régime syrien est en effet pour l’instant l’auteur de crimes contre l’humanité sans commune mesure avec ceux de l’EEIL, puisqu’il a sacrifié près de 200 000 Syriens en quatre ans. Une position néanmoins intenable en termes stratégiques : les deux armées, loyalistes et jihadistes, se nourissent l’une de l’autre, profitent d’un même chaos, et s’allient bien souvent contre les révolutionnaires syriens modérés.
La stratégie turque répond ainsi à des considérations de court terme. Da’esh se gardant de menacer la Turquie et Ankara préfère se concentrer sur la lutte contre le régime des Assad. Mais les mêmes solutions pourraient raisonablement être appliquées pour se défaire des deux ennemis. Des zones d’exclusion aérienne par exemple, garanties par la coalition internationale, permettraient de stopper les avancées jihadistes et laisseraient enfin un espace aux révolutionnaires syriens pour développer leurs propres institutions –embryons d’une nouvelle Syrie, qu’on ne peut décemment envisager de laisser retomber aux mains d’Assad.
Les Kurdes et l’immobilisme turc
Mais la véritable raison de la passivité d’Ankara, c’est la menace kurde. En effet, le calcul –encore une fois à bien courte vue– d’Erdogan, est de laisser s’affaiblir les forces du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) kurde dans le combat contre Da’esh, afin de se débarasser d’un ennemi intérieur notable.
C’est néanmoins un résultat inverse que la stratégie turque a produit pour l’instant. En effet, bien loin d’affaiblir le PKK, le désastre de Kobané a permis au parti kurde de renforcer son mouvement de résistance en Turquie, à travers notamment de violentes manifestations, au cours desquelles plusieurs dizaines de personne ont trouvé la mort.
En refusant d’intervenir, Erdogan fait le jeu d’Öcalan, le leader emprisonné du parti kurde. Au lieu de tendre une main conciliante vers la population kurde (qui représente 20% de la population turque) en sauvant littéralement Kobané du monstre jihadiste, Erdogan semble ignorer les opportunités que lui offrent le revirement du PKK. Après l’abandon de la lutte armée en 2013, le parti kurde a également renoncé à son idéologie marxiste-léniniste et à ses revendications d’indépendance. Alors que le PKK semblait donc évoluer vers une politique de négociations, le gouvernement turc paraît determiné à repousser les Kurdes vers les affres d’une nouvelle résistance armée, et à ignorer ainsi une occasion historique d’achever un conflit long de trente ans.
Intervenir contre Da’esh : une stratégie payante sur la scène domestique, régionale et internationale
Cet article s’est attelé à démontrer l’ineptie stratégique de la passivité turque face à Da’esh. Pour la Turquie, il est néanmoins encore temps d’intervenir avec force. Au-delà de l’impératif moral et de la responsabilité de protéger de la part d’un des Etats les plus puissants de la région, ce sont aussi des considérations géopolitiques pures qui doivent pousser à l’intervention.
Pour en finir avec un conflit intestin qui mine la Turquie depuis trois décennies ainsi qu’avec le régime d’Assad, pour renforcer la présence de l’Etat turc dans la région et ainsi relancer la coopération avec les acteurs arabes opposés à Da’esh, pour se poser comme partenaire incontournable de la diplomatie occidentale au Moyen-Orient, la Turquie doit renoncer à une passivité contre-productive. C’est à la condition de cette intervention que les hommes, les femmes et les enfants de Kobané seront sauvés, et le prestige de la Turquie redoré. La Turquie doit libérer Kobané pour se libérer elle-même.
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